Nouvelles et Événements
Un conte de la conférence FEST à Rome

Le 16 juin dernier aux alentours de midi, j'étais dans la basilique Saint-Sébastien, quelque part sur l'ancienne route romaine menant à Ostie. Seule. Autour de moi, le vide, le froid et une odeur de renfermé.
Épuisée par deux semaines d'une tournée quelque peu chaotique en compagnie de ma chorale dans le nord de l'Italie, j'avais maintes fois songé à rentrer chez moi.
J'avais entendu parler du congrès 2025 de la Federation for European Storytelling (FEST) de Rome par la conteuse irlandaise Liz Weir, qui l'avait mentionné en passant à la toute fin du congrès du National Storytelling Network de Tacoma (état de Washington), il y a exactement un an.
Je savais déjà que je serais en tournée en Italie à la même période. Je m'étais alors demandée si je pourrais sans trop de difficultés prolonger un peu mon séjour pour me rendre à Rome et participer, à titre personnel, au congrès et au festival connexe.
Au final, ce voyage fut une véritable épopée! J'ai égaré mon passeport, perdu mon téléphone et mes bâtons de marche, je me suis retrouvée enfermée 3 fois dans des salles de bains différentes, j'ai manqué mon train, je me suis blessée à la jambe, j'ai dépensé bien plus que prévu… J'ai entamé un nombre incalculable de conversations en mentionnant d'abord et avant tout que j'étais perdue : Scusi, sono perdito... Et pourtant, ce séjour fut aussi TERRIBLEMENT italien, frustrant, inspirant, savoureux!
Une navette est arrivée, les portes se sont ouvertes et plusieurs dizaines d'hommes et de femmes de tous âges, parlant italien, français, néerlandais, suédois, allemand et roumain sont entrés dans la basilique.
Mon cœur a bondi.
Je les ai reconnus au premier regard. C'étaient les conteurs et conteuses du congrès!
C'était ma tribu.
Désormais, tout irait bien.
La semaine suivante, tout au long du congrès 2025 de la FEST et du festival international de conte Raccontamiunastoria (Raconte-moi une histoire), qui avait pour thème les muses et les pèlerins, ces artistes de la parole ont célébré joyeusement – et souvent bruyamment – la richesse de l'héritage romain, tant païen que chrétien, véritable creuset de cultures, de gens et de civilisations pendant des millénaires. Ils et elles ont magistralement partagé avec le public des biographies marquantes, des contes folkloriques, des mythes et des légendes.
Les organisateurs ont fait preuve d'un engagement remarquable envers l'inclusivité culturelle, en invitant les conteuses du Moyen-Orient Lamiri Montasara (Tunisie) et Sarah Kassir (Liban), ainsi qu'un contingent d'artistes de Palestine : Fidaa Ataya (Ramallah), Alham Saed (Gaza) et un groupe de 8 artistes de la relève de la Art of Storytelling Academy de Ramallah. Malheureusement, en raison des circonstances actuelles (barrages de l'armée, problèmes aux aéroports et avec les visas), seule Alham Saed a pu se rendre.
Hélas pour elle, sa mère est décédée deux jours plus tard à Gaza, alors qu'elle était en route vers l'hôpital. Lors de la cérémonie de recueillement que nous avons organisé en son honneur, les cigales ont étonnamment cessé de chanter au moment où nous entamions une prière silencieuse de deux minutes.
La nature reflète l'âme humaine.
Ce fut en présence de ces remarquables artistes du Moyen-Orient que j'ai réalisé la puissance et la nécessité culturelle profonde du conte.
En l'absence de Fidaa, c'est sa collège de longue date, Sarah Abu-Sharar de Toronto, qui s'est chargée d'animer ses ateliers. Toutes deux collaborent professionnellement et militent pour la défense des droits sociaux depuis des années.
Ce congrès donnait aux participant·e·s la possibilité de suivre des ateliers sur des techniques de conte novatrices, mais aussi des classes de maître, une présentation d'applications liées au conte, des séances de travail de la voix, le tout dans le même esprit de créativité débridée qui préside aux congrès de SC-CC.
J'aimerais mentionner ici deux nouveaux projets remarquables : le Projet Cassandra, un programme de formation pour les artistes de la relève offert à 15 conteurs et conteuses de 5 pays, et le lancement d'un programme de maîtrise en conte de scène (Performance Storytelling) à l'université Roma Tre University à compter de cette année.
J'ai été vraiment ravie de participer au congrès et au festival.
J'ai adoré la balade contée sur une ancienne colline le soir du 21 juin pour le solstice d'été, avec ses 6 arrêts contés où écouter des histoires de soleil et de lune, et la danse en cercle festive derrière Saint-Sébastien à minuit pour conclure l'activité, à la lueur vacillante des chandelles sur les pavés de l'ancienne voie.
J'ai apprécié le sentiment de camaraderie immédiat entre les personnes présentes, j'ai noué des amitiés avec des conteurs et conteuses de toute l'Europe et on m'a invitée à participer à de nouveaux événements.
J'ai savouré chacune de mes baignades quotidiennes dans la Méditerranée!
J'ai adoré conter la légende inuite de la femme squelette, avec traduction simultanée en italien.
J'ai été inspirée par la variété des récits, des contes du monde, des débats, des échanges et des réflexions politiques.
Je suis désormais membre associée (sans droit de vote) de la FEST.
J'invite mes collègues de SC-CC à adhérer également à cette association.
Nous sommes beaucoup à éviter d'aller aux É.-U. ces temps-ci. Nous ne pourrons donc assister aux événements du National Storytelling Network avant longtemps.
Considérons la décision de notre Premier ministre de privilégier les voyages en Europe.
Pour rejoindre les rangs de la FEST : https://fest-network.eu/
Ensemble, renforçons les liens internationaux dans le monde du conte.
Notre travail est similaire : garder vivante la tradition orale, encourager les récits contemporains, inspirer et transformer par le biais de l'art du conte.
Les temps sont durs... Longue vie à l'art du conte!
Psitt! Le congrès 2026 de la FEST se tiendra à Stockholm (en Suède) et l'édition 2027 à Dublin (en Irlande)...
C'est un rendez-vous!
écrit par: Abegael Fisher-Lang; traduit par: Julie Turconi