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Règles d’éthique pour les conteurs Canadien

Lignes directrices en matièred’éthique relatives aux sourceset aux matériaux pour les conteurs canadiens

But

Ces lignes directrices ont pour but de conseiller les conteurs sur l’usage correct et sur la reconnaissance des sources et matériaux lors de prestations devant public.  Leur but est de cultiver la liberté artistique à l’intérieur d’un environnement qui respecte les créateurs et les origines des récits, la communauté des conteurs ainsi que les auditoires.

Ces lignes directrices cherchent à promouvoir le sens d’éthique dans les gestes et les paroles, mais elles n’ont aucune teneur légale.  Les rapports entre le domaine légal et celui de l’éthique sont complexes.  Parfois ils coïncident en ce qui a trait au domaine du récit, parfois pas.  L’un ou l’autre peut être le plus restrictif des deux, selon le cas.  Plusieurs enjeux restent ambigus.

Néanmoins, il est évident que certaines pratiques reliées à l’emploi des sources et des matériaux employés par les conteurs peuvent témoigner d’un sens d’éthique tandis que d’autres pratiques témoignent d’un manque de sens d’éthique.  Ces lignes directrices ont été conçues afin de guider ceux et celles qui doivent faire la distinction entre ces deux types de situations, dans la mesure du possible.

Définitions

  1. Récit*.  En ce qui a trait à l’éthique, un « récit » est une œuvre d’art identifiée comme telle par la personne qui l’a crée ou par la personne qui l’interprète.
  2. * Note de la traduction : dans le milieu des conteurs francophones au Canada, le mot « conte » est utilisé pour désigner tout type de récit oral ainsi que la pratique de conter (voir le site du Regroupement du conte du Québec : http://www.conte-quebec.com/ ). Comme le texte d’origine en anglais ne spécifie pas ce qu’inclut le mot « Story », nous utiliserons le mot « récit » pour le traduire.

  3. Acte de conter.  L’« acte de conter »  se réfère à prestation verbale d’un récit durant laquelle l’œuvre est présentée ou communiquée directement par le conteur à son auditoire sans texte ou autre document d’appui.

    1. Lors d’un « acte de conter de vive voix » le conteur est physiquement présent devant son auditoire. (Note de la traduction : en anglais, cette situation est qualifiée de « live »)
    2. Lors d’un « acte de conter diffusé » l’auditoire vit l’expérience du récit raconté par le biais de la radio, d’une vidéo, de la télévision, d’un film ou d’un autre moyen de cette nature
    3. Un « acte de conter de vive voix » qui est diffusé au même moment ou enregistré pour fins de diffusion future constitue, sur le plan de l’éthique, un « acte de conter diffusé ».

  4. Copies et enregistrements.  Une « copie » est une reproduction d’un récit par un procédé d’impression papier ou autre format visuel.  Un « enregistrement » est la reproduction d’un acte de conter par le biais d’un format auditif (telle une bande magnétique audio, un disque compact, un vénérable cylindre de cire ou autre moyen), et il peut être « audio » ou « visuel », ce dernier comportant tout moyen audio-visuel ayant un résultat semblable.

  5. Acte de conter rémunéré et non-rémunéré.  Un « acte de conter rémunéré » est un acte de conter qui a une valeur économique pour le conteur ou pour le producteur de l’événement.  Un acte de conter « non-rémunéré » en est un sans valeur économique ou comportant une valeur économique minime.  Un paiement, quelqu’en soit la forme, ou tout montant donné au conteur (tout cachet relié au spectacle ou tout honoraire) constitue une valeur économique au conteur.  La vente de billets, de laisser-passez ou de toutes sortes de services ou produits aux membres d’un auditoire représente une valeur économique pour le producteur.

  6. Droits d’auteurs, droits de conter un récit dans un contexte public, droit de conter un récit en contexte non-rémunéré.  Toute reproduction d’un récit qu’il s’agisse d’une « copie » ou d’un « enregistrement » ou d’un « acte de conter diffusé » est gouverné par les droits d’auteurs et tous les détails d’ordre légal qui les accompagnent.  Tout acte de conter rémunéré est gouverné par les droits de prestation en public qui sont protégés de façon semblable. « Les droits connexes aux actes de conter non-rémunérés » sont uniquement ceux qui gouvernent les actes de conter non-rémunérés.

  7. Idée, version et texte. L’ « idée » reliée à un récit est un énoncé général de sa forme ou de sa structure, sans détails saufs ceux nécessaires à le rendre  reconnaissable.  Une « version » d’un récit précise les détails du récit, des personnages, des lieux, etc., mais pas le mot pour mot d’un texte. Un « texte » fait référence au mot à mot précis d’un récit écrit.  Ces distinctions ne sont pas nécessairement absolues.

  8. Lignée : auteur, source utilisée par le conteur et tradition culturelle.  L’ « auteur » est le créateur du récit (entièrement, ou de cette version, ou du texte).  La « source » utilisée par le conteur est l’endroit (le livre, l’enregistrement, le récit entendu de vive-voix, etc.) par lequel le conteur a obtenu le récit.  La « tradition culturelle » est la tradition identifiée comme source ultime du récit.  Ces éléments forment ensemble la « lignée » d’un récit.  Si le récit n’a pas été publié, la source est « l’auteur » pour des questions d’éthique, tant et aussi longtemps qu’un « auteur » antérieur ne sera identifié ou qu’il ne s’identifiera lui-même.

  9. Auteur, succession de l’auteur et domaine public.  Ces termes se réfèrent à ceux qui possèdent les droits d’auteur et les droits de prestation en public d’un récit.  L’ « auteur » est l’auteur vivant.  La « succession de l’auteur » est le propriétaire de tous droits aux matériaux (qu’il s’agisse de droits d’auteurs ou de droits de prestation du récit en public) de la date de décès de l’auteur à 50 ans après cette date.  Le « domaine public » des actes de conter constitue le domaine dans lequel figurent les matériaux 50 ans après le décès de l’auteur

Un concept d’éthique important :  droits de propriété d’une copie légale

Un conteur « possède une copie légale » d’un récit s’il a payé pour celle-ci de façon conforme à la loi ou si elle lui a été donnée de façon conforme à la loi, ou que l’auteur ou une personne nommé « agent de l’auteur » en bonne et due forme lui ait donné la permission de s’en servir.  Le statut des sources et des matériaux empruntés d’une bibliothèque ou d’une autre personne n’est pas clair.  L’utilisation pour une prestation publique d’un récit issu de sources et de matériaux auxquels un conteur a légalement accès pour fins de lecture et d’étude ou même pour copier pour son usage personnel, ne constituent pas nécessairement un usage éthique.  Certains croient qu’emprunter une copie d’un récit dans une bibliothèque ne signifie pas que l’on « possède une copie légale ».  Règle générale, toutefois, une photocopie ou une copie électronique, obtenue sans permission, ne constitue pas une copie légale à moins que tous les droits d’auteurs soient échus et que l’ouvrage en question soit tout à fait entré dans le domaine public des actes de conter.

Principes généraux d’éthique

  1. Chaque conteur est un artiste indépendant engagé à faire du travail créateur guidé par une vision artistique conçue par cet artiste à partir de lignes directrices, des enseignements de ses mentors ou des sources d’inspiration qu’il juge appropriées.  Il ne revient pas à autre que le conteur de dicter ce qui est acceptable en matière de vision artistique, sauf pour des limites raisonnables reliées à l’expression artistique, et ces dernières doivent être réduites au strict minimum.  La liberté artistique est importante et devrait être respectée.

  2. L’éthique n’équivaut pas à la loi.  Le conteur est responsable de connaître et de respecter la loi, laquelle parfois pose des limites plus larges que l’éthique dans certaines situations, parfois plus étroites dans d’autres.

  3. S’il n’est pas clair si oui ou non des droits existent, le conteur ne devrait pas prendre pour acquis qu’il peut tout simplement se les approprier.  Un conteur doit prendre pour acquis qu’il existe des droits (c.-à-d. que quelqu’un les possède) à moins d’avoir des preuves absolues que ce n’est pas le cas, et il devrait faire preuve de diligence dans ses efforts pour retrouver et recevoir la permission de ceux qui possèdent ces droits, et il devrait conserver les documents témoignant de ses démarches.

  4. La responsabilité de chercher à obtenir la permission de l’auteur, de la maison d’édition, du réviseur ou toute autre personne qui possède les droits connexes aux matériaux est parfois nécessaire sur le plan juridique, parfois nécessaire pour des questions d’éthique, parfois tout à fait désirable, parfois une question de courtoisie.  S’il a des doutes quelconques, le conteur doit demander la permission.

  5. Les gestes d’éthique réfèrent, à la base, principalement à la conscience de chaque conteur. Aucune autre personne ni aucune organisation n’a le droit ni l’autorité voulue de lui en imposer.   Tous conteurs, créateurs ainsi que leurs agents, ou tous membres d’un auditoire ont droit de remettre en question un comportement qui ne semble pas éthique, toutefois, de préférence en privé, mais ils peuvent le faire en public si les circonstances sont flagrantes

Principes éthiques des actes de conter :  Emploi du matériel

  1. Aucun droit n’est rattaché à l’idée de base d’un récit.  Les droits d’auteurs ou de prestation en public d’un récit ou droits des actes de conter non-rémunérés sont assurément rattachés à un texte et, parfois, à une version de celui-ci.  Un conteur a la liberté de prendre l’idée à la base d’un récit afin d’en créer sa propre version et son propre texte pourvu que ceux-ci diffèrent de façon importante des autres versions.  Le plagiat n’est pas éthique.  Par contre, le fait de créer une version contradictoire ou dissidente ou  nouvelle, même une qui utilise les personnages et les situations de la version originale, ne représente aucun problème sur le plan éthique.

    Ces principes sont très important, en théorie, mais dans la pratique, les distinctions à faire sont souvent difficiles à identifier.   Pour toute circonstance où il existe un doute, le conteur se doit d’éviter de se servir de ces matériaux ou il se doit de demander une permission (en exerçant la diligence requise et ayant une documentation correcte).

  2. Ces lignes directrices indiquent, et ce, sachant que l’expérience future les enrichira, qu’un conteur qui possède  (c.-à-d. qui achète ou à qui on donne) une copie légale d’une oeuvre a le droit éthique de s’en servir pour des actes de conter rémunérés.  La notion que ce droit éthique s’appliquerait pour toute situation dans laquelle un conteur a légalement accès aux matériaux a été suggérée, mais celle-ci doit être abordée avec prudence.  Ce droit ne s’applique pas aux actes de conter rémunérés, ni ne laisse supposer le droit de copier ou d’enregistrer une oeuvre pour fins de distribution d’aucune sorte, ni ne s’applique aux actes de conter diffusés.  Un conteur qui possède une copie illégale (p. ex., une photocopie non-autorisée) n’a aucun droit à ce matériel et il ne devrait pas présenter ce récit.

  3. Les droits de prestation publique d’un récit appartiennent normalement à l’auteur du récit, à moins d’avis contraire.  Si l’auteur est vivant, le conteur doit obtenir la permission de l’auteur (ou de son agent désigné) pour tout acte de conter ce récit de façon rémunérée ou diffusée.  Si l’auteur est décédé depuis 50 ans ou plus, le conteur peut donc prendre pour acquis que cette oeuvre est dans le domaine public et qu’il peut la conter.  Dans certains cas, surtout si l’œuvre n’est pas accessible autrement, le collectionneur ou la maison d’édition d’une oeuvre ancienne devrait être abordé-e tout comme l’aurait été l’auteur en ce qui a trait à l’obtention des droits de prestation publique.  Si l’auteur en décédé depuis moins de 50 ans, les droits de prestation en public appartiennent à la succession de l’auteur, et celle-ci devrait être abordée tout comme l’aurait été l’auteur.  Si la succession ne peut pas être contactée malgré l’exercice de toute la diligence voulue, alors on peut agir tout comme si l’œuvre était dans le domaine public, tout au moins tant et aussi longtemps que la succession n’aura pas pris les démarches nécessaires afin de se manifester.

  4. Les demandes de permission pour les actes de conter rémunérés doivent toujours inclure l’offre de payer des royautés.  L’offre éthique minimale est de 10% de la valeur économique nette au conteur ou au producteur de l’événement.  Ces montants ne sont pas généreux.  Les estimations approximatives suffiront.

  5. Un enregistrement ou une version imprimée d’un acte de conter de vive voix constitue une copie et est assujettie aux droits d’auteurs légaux.

  6. Un conteur a une obligation générale et illimitée d’identifier l’auteur (et parfois la source) à son auditoire et de mentionner la permission accordée, mais il a droit de choisir la façon de présenter cette information pour qu’elle respecte l’intégrité artistique du spectacle.

  7. Les conteurs désirant conter certains récits propres à certaines cultures entrent dans un bourbier éthique.  Les opinions varient, les approches culturelles varient même à l’intérieur d’une même culture, et les émotions sont fortes.  Le matériel propre à une culture doit toujours être abordé avec prudence et avec beaucoup de respect.  Les conteurs qui veulent conter plusieurs récits d’une certaine tradition ont une plus grande responsabilité.

    En ce a trait à certains récits propres à certaines cultures, il pourrait être requis du conteur qu’il contacte les gardiens de la tradition dans ces cultures tout comme s’ils étaient les auteurs ou les propriétaires des droits.  Ceci s’applique tout particulièrement si cette communauté culturelle a exprimé d’une façon ou d’une autre un désir de protéger ses récits et qu’elle a traditionnellement agit dans ce sens.  Si les récits sont publiés avec l’approbation des gardiens de la tradition, alors la possession d’une copie légale accorde le droit de conter sans rémunération.  Le droits de prestation en public devraient être jugés la propriété du transcripteur, du traducteur, du réviseur, du collectionneur ou de la maison d’édition.  Si le récit n’existe que dans sa forme orale, alors la permission doit être obtenue de la source du conteur ou d’un gardien de la tradition correctement autorisé avant de conter, qu’il s’agisse d’un acte de conter rémunéré ou non.  Le conteur est responsable d’exercer toute diligence dans ses efforts de comprendre la culture, d’en identifier les gardiens de la tradition, et dans l’obtention de leur autorisation.   Un conteur qui n’a pas entrepris une telle recherche se trouve dans la même position qu’un conteur qui ne possède aucune copie légale et qui n’a aucun droits.

juillet 2003

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